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SUR UNE RIVE DU NIL.....
13 mars 2011

A MON PERE....

Tu ne liras jamais ces lignes, d'ailleurs cela fait longtemps que tu ne sais plus ce que signifie le mot "mot", ou "lecture".

Depuis peu tu tournes en rond dans une chambre d'hôpital, psalmodiant des bouts de phrases sans queue ni tête. La pieuvre te bouffe le cerveau, et l'on sait à présent que le crabe se délecte de tes entrailles.

Hier, tu m'as prise pour un champignon, un "jauniret", comme on allait les cueillir à chaque automne. J'ai éclaté de rire, tu as souri.

Et puis tu m'as demandé si j'étais Dieu. Je t'ai répondu que j'aurais bien aimé.... Mais tu t'en fiches des réponses, tu ne les comprends pas. Alors tu ne les écoutes pas.

Dans un dernier éclair de lucidité tu m'as dit que tu voulais partir, et puis tu es allé dire bonjour au mur en face de ton lit. Je t'ai regardé et doucement je t'ai dit adieu. Pas tristement, non. La tristesse, toi et moi on l'a dépassée depuis longtemps. Le désespoir aussi.

Parce qu'il a fallu se battre jour après jour, pendant des années. J'ose dire ce soir que oui, nous avons été des guerriers magnifiques. Parce que personne ne nous le dira. Mais nous on sait.

Et on a gagné. Même si finalement tu as perdu.

On a gagné dix années sur cette putain de maladie à vivre l'un à côté de l'autre. A râler, à se bouffer le nez, à boire des coups... Notre façon à nous de nous aimer. Peu orthodoxe j'en conviens. Ma façon à moi de t'aider. Comme j'ai pu.

Je ne reviendrai plus te voir; quand tu comprends finalement qui je suis, une grande douleur te tord le coeur. Et puis je pense que tu ne comprendras plus qui je suis. Je préfère rester ce champignon au joli chapeau jaune-orangé. Ou Dieu. Ou un Dieu champignon tiens, ça me plait bien ça !

Ce soir, je dépose mon épée à côté de ta hache. Je suis fatiguée de me battre, et toi fatigué de vivre.

Que la mort te soit douce vieux guerrier ! Ton épouse adorée t'attend depuis longtemps déjà de l'autre côté.

Et moi je vais réapprendre tout simplement à vivre.

Chalom Dominique.

 

Ta fille-champignon.

 

 

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Commentaires
N
Salut bande de gueux, et merci tout plein pour vos commentaires plein de tendresse, ça me fait tout chose...<br /> Je vous salue Armel, Philippe, Melchior et Ketty, <br /> merci pour Borges, c'est un poète écrivain que j'aime beaucoup.<br /> Ne vous inquiétez pas, la vaillance est là, c'est une deuxième peau chez moi (sourire). Et puis tant que vous êtes là....<br /> Z'Arno, Mermet était venu interviewer le Domi sur la guerre d'Algérie, pour son émission "Là-bas si j'y suis". Je ne retrouve pas trace de cette émission sur le net, trop ancienne je crois. C'est dommage, je vous l'aurais fait écouter, c'était bien ce qu'il avait mon pôpa.
J
Chère Judith, tu dis "Et on a gagné. Même si finalement tu as perdu."<br /> <br /> Ecoute ces vers de Jorge Luis Borges qui te font écho pour te donner raison et aussi pour te contredire:<br /> <br /> "Nadie pierde (repites vanamente)<br /> sino lo que no tiene y no ha tenido<br /> nunca, pero no basta ser valiente<br /> para aprender el arte del olvido.<br /> Un símbolo, una rosa, te desgarra<br /> y te puede matar una guitarra."<br /> <br /> Comme il dit aussi, en ces moments une rose ou le son d'une guitare peuvent te déchirer et il ne suffit pas d'être vaillante... Malgré tout, je me risque à t'offrir un peu de cette beauté à toi qui en est reine des mots, pour d'aider à soulager ta peine. <br /> <br /> Avec toi, avec vous.<br /> <br /> Ketty.
Z
@ Neferjuju : Héhé, oui, très juste =)<br /> D'ailleurs, pour faire écho à un autre article ici publié, je pense que c'est vraiment de salut public de faire connaitre ce genre d'histoire et de vécu.<br /> Notamment face à l'extrême-droite et aux nationalistes qui réinventent l'histoire coloniale en permanence pour rallier les faibles d'esprits et les incultes à leur cause.
M
Idem que philippe.
P
Bonjour Judith.<br /> J'ai un peu de mal à trouver les mots. Les mots pour dire que çà m'a fait un coup de lire ton texte.<br /> Bien que je ne sache pas (encore) me téléporter, je suis avec toi, avec vous.<br /> Philippe
SUR UNE RIVE DU NIL.....
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